Dictionnaire Historique et biographique de la Suisse Anabaptistes

Dictionnaire Historique et biographique de la Suisse

Publié avec la recommandation de la Société générale suisse d’histoire
Marcel Godet, Henri Türler, Victor Attinger, 1921

Anabaptistes (rebaptiseurs). Secte issue de la Réformation, répandue dans toute l’Allemagne, aux Pays-Bas en Autriche, en Moravie et en Suisse. Le nom d’anabaptiste a été donné à ses adeptes parce qu’ils rejetaient le baptême des enfants et n’ admettaient que le baptême de l’ Esprit appliqué aux adultes. Ils formaient une communauté de saints inspirés directement de Dieu et séparés du monde: ils rejetaient l’ enseignement de l’ église et la soumission à son autorité et à celle de l’ Etat. En s’ opposant ainsi à la réception des enfants dans l’ église, à la publication et à la bénédiction des mariages, en refusant le serment aux autorités et le service militaire, les anabaptistes se plaçaient hors de la société civile, ce qui provoqua l’ intervention sévère des autorités. Leur fanatisme religieux et politique les poussa parfois dans le communisme et le terrorisme. En Suisse le mouvement prit naissance à Zurich en 1523, sous l’ influence de Conrad Zwingli, Félix Manz et Simon Stumpf. L’ intervention de Zwingli, n’ empêcha pas le mouvement de gager la ville et la campagne et de s’ étendre dans l’Allemagne du Sud.

Dès 1525 on le trouve à Berne, surtout dans la campagne (Emmental, Oberland, Haute-Argovie, Argovie) et à Soleure. Balthazar Hubmaier, curé de Waldshut, se joint à Grebel et Manz; il prêche en 1525 et 1526 à Schaffhouse, à Bâle, à Waldshut, à Saint-Gall et à Appenzell, et gagne beaucoup d’ adeptes. Bâle et Saint-Gall devinrent des centres anabaptistes. Un colloque eut lieu dans la première de ces villes entre les représentants des églises réformées et des anabaptistes, à la suite duquel le Sénat se prononça contre les anabaptistes. Ceux-ci se crurent assez forts et tentèrent contre l’ Hôtel de Ville un coup de main qui échoua. Ils furent alors bannis de la ville, en juin 1527. D’ autres colloques eurent lieu à Zurich en 1525 et à Zofingue en 1532.

En août 1527, un concordat fut conclu entre les villes de Zurich, Berne et Saint-Gall; les anabaptistes furent contraints de se convertir, punis d’ amandes en cas de refus et de la peine de mort en cas de récidive. Des exécutions commencèrent. Dans cette année 1527, douze d’ entre eux furent exécutés, dont Félix Manz à Zurich. De nombreux mandements furent édités contre les anabaptistes jusqu’au XVIIIe siècle. C’est à Berne que la lutte contre la secte coûta le plus d’ efforts; de 1528 à 1571, plus de 40 anabaptistes furent suppliciés. A Zurich, la dernière exécution eut lieu en 1614. Peu à peu la peine de mort fut remplacée par le bannissement et la déportation.

Les exilés trouvèrent un asile en Alsace, dans le Palatinat, en Hollande, et déjà au XVIe siècle, mais surtout aux XVIIe et XVIIIe siècles, dans les terres du Prince-Evêque de Bâle. Avec les amendes et les biens confisqués, on forma des fonds dit d' »anabaptistes ». La constitution helvétique abrogea les lois d’ exception contre les anabaptistes en avril 1798.

Lorsque l’Evêché de Bâle fut réuni au canton de Berne, on introduisit l’ état civil pour ceux-ci. La libération du service militaire qui leur avait été accordée fut supprimée par l’ Assemblée fédérale en 1850; cependant, on adoucit la mesure en versant dans les troupes sanitaires ceux qui étaient astreints au service. On rencontre encore aujourd’hui de grandes communautés anabaptistes dans l’ Emmental (Langnau), à Bâle et surtout dans le Jura bernois où ils sont exclusivement agriculteurs dans les fermes isolées des montagnes des districts de Courtelary, Franches-Montagnes, Moutier et Delémont; ils sont environ 800 et ont conservé fidèlement la langue allemande et les coutumes de l’ Emmental. La simplicité de leurs vêtements (point de boutons, seulement des crochets) a presque disparu; cependant les hommes portent toujours la barbe longue. Leurs prédicateurs laïques ont été remplacés ces derniers temps par des évangélistes formés dans des écoles de prédication.

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